Disparu à seulement vingt-quatre ans, à l’« âge où tant d’hommes commencent seulement à vivre », Jean de Tinan (1874-1898) était un jeune dandy fin-de-siècle, fils de rentier, doué d’une profonde sensibilité, qui avait comme seul objectif la recherche tourmentée du grand amour, ce qu’il appelle son « rêve bleu », compensé en retour par la fréquentation assidue des bordels parisiens, des cafés et des salons littéraires. Comme le résume parfaitement bien son biographe Jean-Paul Goujon : « Entrer dans l’univers de Tinan, c’est d’abord découvrir un jeune écrivain qui, partagé entre les femmes et la littérature, n’hésite pas et choisit les deux à la fois ». C’est cette inexorable fièvre de savoir, d’aimer et de sentir qui finira par miner rapidement sa santé pour nous laisser, en à peine cinq ans d’activité, une production littéraire plutôt riche et variée. Son roman Penses-tu réussir…!, outre à rester son œuvre parmi les plus connues, sinon la seule à être encore publiée aujourd’hui, incarne à la perfection sa démarche littéraire et existentielle qui reste toujours à mi-chemin entre la recherche d’une vocation romanesque en devenir et l’égarement sentimental partagé entre sensualité et tendresse. Quoi qu’il en soit, la courte vie de Tinan coïncide « en gros avec les années fastes de la IIIe République, peut-être les plus heureuses de ce qu’on appellera plus tard la Belle Époque : ce quart de siècle qui va de la fin de la Commune aux débuts de l’affaire Dreyfus ». Protagoniste d’une époque bien euphorique, Tinan ne cesse de poursuivre, durant les quelques années qu’il vit, un sentier qui le mène tout droit vers l’épuisement, créant en lui « une faille au cœur et plusieurs à l’âme ». En d’autres termes, sa quête permanente de la réussite littéraire et sentimentale, assombrie par la maladie et l’impuissance d’aimer, nous renvoie prodigieusement vers cette image ancestrale de l’errance, du défi et du courage du héros moderne. Un homme qui comme Ulysse nous entraîne vers une constante de « la littérature occidentale : la fascination exercée par les humains qui se moquent des limites, qui, au lieu de se soumettre à la servitude de ce qui est possible, entreprennent, contre toute logique, de chercher l’impossible » même dans l’amour. La rencontre avec la sirène Glaucé sera bien au centre de ce dernier défi sentimental.

La p’tite Sirène du pont des Arts. L’ulyssisme sentimental de Jean de Tinan

Fabrizio Impellizzeri
Membro del Collaboration Group
2018-01-01

Abstract

Disparu à seulement vingt-quatre ans, à l’« âge où tant d’hommes commencent seulement à vivre », Jean de Tinan (1874-1898) était un jeune dandy fin-de-siècle, fils de rentier, doué d’une profonde sensibilité, qui avait comme seul objectif la recherche tourmentée du grand amour, ce qu’il appelle son « rêve bleu », compensé en retour par la fréquentation assidue des bordels parisiens, des cafés et des salons littéraires. Comme le résume parfaitement bien son biographe Jean-Paul Goujon : « Entrer dans l’univers de Tinan, c’est d’abord découvrir un jeune écrivain qui, partagé entre les femmes et la littérature, n’hésite pas et choisit les deux à la fois ». C’est cette inexorable fièvre de savoir, d’aimer et de sentir qui finira par miner rapidement sa santé pour nous laisser, en à peine cinq ans d’activité, une production littéraire plutôt riche et variée. Son roman Penses-tu réussir…!, outre à rester son œuvre parmi les plus connues, sinon la seule à être encore publiée aujourd’hui, incarne à la perfection sa démarche littéraire et existentielle qui reste toujours à mi-chemin entre la recherche d’une vocation romanesque en devenir et l’égarement sentimental partagé entre sensualité et tendresse. Quoi qu’il en soit, la courte vie de Tinan coïncide « en gros avec les années fastes de la IIIe République, peut-être les plus heureuses de ce qu’on appellera plus tard la Belle Époque : ce quart de siècle qui va de la fin de la Commune aux débuts de l’affaire Dreyfus ». Protagoniste d’une époque bien euphorique, Tinan ne cesse de poursuivre, durant les quelques années qu’il vit, un sentier qui le mène tout droit vers l’épuisement, créant en lui « une faille au cœur et plusieurs à l’âme ». En d’autres termes, sa quête permanente de la réussite littéraire et sentimentale, assombrie par la maladie et l’impuissance d’aimer, nous renvoie prodigieusement vers cette image ancestrale de l’errance, du défi et du courage du héros moderne. Un homme qui comme Ulysse nous entraîne vers une constante de « la littérature occidentale : la fascination exercée par les humains qui se moquent des limites, qui, au lieu de se soumettre à la servitude de ce qui est possible, entreprennent, contre toute logique, de chercher l’impossible » même dans l’amour. La rencontre avec la sirène Glaucé sera bien au centre de ce dernier défi sentimental.
2018
978-88-3334-019-7
Jean de Tinan, roman célibataire, sirènes, réécritures mythologiques, Ulysse, fin-de-siècle
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Descrizione: Articolo su atti di convegno
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/20.500.11769/321793
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