Jean de Tinan écrivain nègre à l’ombre de Willy

F. IMPELLIZZERI
2021-01-01

2021
978-90-04-44371-6
Jean de Tinan (1874-1898), jeune écrivain en herbe de la fin de siècle, débute plutôt timidement dans les milieux littéraires de son temps. Peu connu, condamné à la mort par une santé fragile, sans cesse en quête d’amour et d’une gloire littéraire, Tinan expérimente et s’use en mesurant ses talents par le biais de plusieurs genres qui annoncent son désir « impuissant » de passer au roman. Il commence par le journal, poursuit par le récit, l’essai, le conte et démontre enfin une certaine aptitude pour la chronique. Petit à petit son parcours, bref et intense, s’oriente vers l’écriture du roman Penses-tu réussir ! (1897) qui paraît juste un an avant son décès procuré par une néphrite cardiaque. Jeune dandy aux vices frivoles et ravageurs, mais littérateur ambitieux, Tinan épuise le peu d’énergie et d’argent qui lui restent en côtoyant les endroits les plus à la mode du Tout-Paris, ce qui lui permettra de connaître et de côtoyer ses meilleurs amis et surtout de croiser l’homme qui lui fournira un accès réel, bien que marginal, au monde littéraire parisien. Cet homme, puissant et à l’impact décisif, est Henri Gauthier-Villars (1859-1931), dit Willy. Plus âgé de vingt ans, celui-ci recouvrira auprès de Tinan le rôle ambivalent d’ami, de confident, de substitut du père, et surtout de « patron », puisqu’il exploitera les prédispositions à l’écriture, le besoin d’argent et le désir de gloire de son protégé dont il fera un « nègre littéraire ». Appartenant au même environnement, Tinan et Willy, dans leur rapport de nègre à patron, n’ont aucunement un lien de soumission mais plutôt un pacte de collaboration, assez bien rémunéré d’ailleurs, qui se marie avec leur passion pour les plaisirs de certains milieux raffinés et surtout pour les chroniques des atmosphères effervescentes du Paris fin de siècle. Lieu de perdition, Paris est alors une véritable source d’inspiration pour les aventures romanesques que Willy « soumettra » à son nègre Tinan. Il lui propose deux projets de romans, en suggère le canevas, corrige quelques étapes ou tournures, mais ne peut effacer la plume de Tinan et sa capacité de faire vivre l’écho d’un monde double, autofictif et miroitant – celui de Maîtresse d’esthètes (1897) et d’Un vilain Monsieur ! (1898), tous deux signés Willy et parus chez H. Simonis Empis. Vécues comme un véritable « jeu/je » d’écriture, les deux tentatives romanesques en tant que nègre de Willy offrent à notre jeune auteur le courage, sinon l’audace, de prendre son envol en tant que romancier. Un élan d’Icare qui finira malheureusement à vingt-quatre ans mais que le parcours d’écrivain nègre nous permet de mieux définir et apprécier.
Jean de Tinan, écrivain fantome, Willy, apprentissage littéraire, fin de siècle
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/20.500.11769/492922
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